La Culture Générale et la Rhétorique pour décrypter les éléments de langage et les thèmes de campagne électorale (Printemps 2021)
Les six prochains mois seront riches de discours, de slogans, de « punch-lines » et de « petites phrases » destinés à alimenter le débat politique qui doit précéder le choix du Président de la République et celui des représentants de la Nation. Des mots, des formules vont faire la boucle sans nécessairement qu’on en rappelle la signification pourtant indispensable à la compréhension des intentions et des arrière- pensées des candidates et des candidats.
En essayant de suivre le rythme de cette actualité qui se révèle déjà trépidante, je vous propose simplement de nommer l’explicite et l’implicite de ces mots qui vont paver assurément notre quotidien.
2. Première Dame (Janvier 2022)
La déclaration de candidature vaut- elle obligation d’exposition de la vie privée ? Bien-sûr que non. Mais elle pique la curiosité des « tabloïdes » (sic) et pousse souvent les journalistes à demander aux candidats déclarés des précisions sur leur situation personnelle, sentimentale voire conjugale. Aujourd’hui femmes et hommes publics sont souvent sommés de « clarifier » - donc au sens propre « déclarer » - leur vie privée. Ce fut le cas mercredi pour un candidat poussé à « officialiser » sa relation avec une collaboratrice, rappelant au passage que notre Constitution ne reconnaît pas le statut de « Première Dame ». Pourtant l’expression est fréquemment employée et depuis 1981 la conjointe du Président de la République dispose de nombreux avantages en nature (bureau, secrétariat, cabinet et service généraux).
« Première Dame », la formule relève donc en France de l’abus… de langage. Il sera d’ailleurs plaisant d’observer ce que choisira ce même langage lorsqu’une femme sera élue à la Présidence de la République. Parlera-t-on du « Premier Monsieur » ? Il est à parier qu’on optera plutôt pour une traduction du « First Gentleman » des anglo-saxons et qu’un « Premier gentilhomme » succèdera aux Premières Dames que la Cinquième République a successivement installées au palais de l’Elysée.
C’est à la fin du XVIIIème siècle – et donc très tôt dans l’Histoire de la démocratie – que les responsables du protocole de la Maison Blanche vont imaginer le titre et la fonction de « First Lady », par imitation de la monarchie britannique où l’épouse du Roi porte le titre de « Reine Consort ». L’adjectif fut employé pour distinguer la Reine régnante (Queen regnant) qui tient sa couronne de ses droits personnels à la succession de la Reine consort (Queen consort) qui ne porte la couronne que parce qu’elle est l’épouse du Roi. C’est Elisabeth 1ère qui impose en effet la distinction, empruntant au latin consortium, adjectif propre au droit qui désigne la communauté de biens qui existe entre deux personnes et donc par métonymie les époux. La « First Lady » sera ainsi à la démocratie américaine ce qu’est la « Queen Consort » à la monarchie britannique.
Imitant les américains qui imitèrent les britanniques nous retrouvons notre « Première Dame » mais hors de tout cadre protocolaire et pour complaire à notre goût de la politique-spectacle. Ajoutons enfin que la France n’est pas la seule démocratie en Europe à se doter d’une « Première dame » et que celle-ci n’est pas toujours vouée à être l’épouse, voire la compagne du Président. Quand celui-ci est veuf, à sa fille le cas échéant revient l’honneur, comme par exemple en Italie où Laura, la fille du Président Sergio Mattarella occupe cette officieuse « fonction ».
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