Publié le 12 mars 2019
Un extrait de mon prochain livre aux PUF sur l'Eloquence :
"On les appelle les « ténors du barreau », ce sont les avocats pénalistes que l’actualité judiciaire et les grands faits divers ont rendu célèbres. Chaque époque a ses visages. Mais ce qu’il convient de noter en préalable, c’est ce que suggère la métaphore qui les désigne familièrement : des ténors…Le mot renvoie évidemment à l’Opéra, au spectacle, à la mise-en scène, à une voix qui porte et qu’on entend de loin mais aussi aux clichés associés aux divas, caprices, sautes d’humeur, égocentrisme etc.
Ces grands avocats sont souvent considérés comme des « stars » de l’Eloquence pour les causes qu’ils doivent plaider :il s’agit parfois de défendre l’indéfendable (Barbie, Haulme etc.), de choisir d’explorer la dimension la plus obscure et la moins avouable de la psychologie, de protéger le criminel contre ses victimes etc. Les grandes plaidoiries qui viennent conclure les procès médiatiques sont généralement des « morceaux de bravoure » et on comprend aisément pourquoi « l’éloge paradoxal » est la « pierre de touche » de l’Eloquence.
Après Jacques Vergès, qui s’autoproclama « l’avocat du Diable », Gilbert Collard, Olivier Metzner ou Jean-Marc Varaut qui en leur temps ont eu à défendre des causes célèbres, on a vu peu à peu s’affirmer la personnalité d’Eric Dupond-Moretti qui à plusieurs titres mérite sa place parmi les figures de l’Eloquence. En effet, le personnage est tout d’abord auréolé d’une réputation d’invincibilité : 120 acquittements revendiqués, au même titre que des combats de boxe ! Avec, allusion tauromachique oblige, un surnom gagné dans le prétoire : acquitador. Mais Eric Dupont Moretti, c’est aussi et surtout une voix, un visage, un corps. A l’entendre on comprend d’emblée que l’Eloquence passe par l’incarnation. Enfin le tropisme qui semble le pousser vers la comédie, au sens large, et le conduit sur les plateaux de tournage (d’un Claude Lelouch, par exemple) ou sur la scène du théâtre de la Madeleine est révélateur de l’écueil sur lequel pourrait échouer un grand avocat : quand on met tout son talent à représenter un client, il n’est pas assuré qu’on trouve celui de ne représenter que soi-même."
Eric Cobast, fondateur et directeur de l'Académie de l'Eloquence.
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